L’ampleur des tracasseries dans le transport fluvial accentue l’insécurité alimentaire en RD Congo

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L’ampleur des tracasseries dans le transport fluvial accentue l’insécurité alimentaire en RD Congo
dimanche 27 novembre 2005 , PHILIPPE NGWALA


La dégradation de la situation économique et sociale place l’Afrique Subsaharienne au coeur de la pauvreté et, les manifestations de la faim (famine et malnutrition) en constituent les dimensions les plus graves.

Cette partie du monde subit la plus forte croissance de la pauvreté et les différentes formes du dénuement humain y sont les plus prononcées.

Pourtant, le développement économique et social renvoie prioritairement à l’objectif de satisfaction des besoins alimentaires et nutritionnels des individus qui demeure l’objectif premier mais aussi condition du développement car les individus ne peuvent participer véritablement au processus développement que s’ils parviennent en tout premier lieu à assurer le développement de leurs capacités physiques et intellectuelles à partir d’apport nutritionnels adéquats.

Ainsi, selon la déclaration de la Banque Mondiale, la RDC figure parmi les pays africains où sévissent atrocement la pauvreté et la malnutrition (son corollaire) avec 12 millions d’habitants en état d’insécurité alimentaire en 1988 soit 42% de la population. Ce taux qui a sûrement connu une croissance vertigineuse suite aux événements du turbulence politique les dernières décennies notamment les pillages et les guerres démontre que l’insécurité alimentaire s’est encore aggravée.

Dans leur analyse du problème de la sécurité/insécurité alimentaire au Congo, les analystes prêtent moins d’attention à certains phénomènes qui caractérisent pourtant de manière très importante la complexité du phénomène de l’insécurité alimentaire.Les tracasseries en sont un et les pages qui suivent se proposent de le démontrer grâce à une démarche fondée sur des données chiffrées tirées d’une enquête pilotée par l’auteur du présent article.

En République Démocratique du Congo, le transport fluvial joue un rôle déterminant pour le développement et l’intégration économique. Le Congo est l’un des rares pays d’Afrique qui a un réseau des cours d’eaux très dense. A commencer par le majestueux Fleuve Congo et ses nombreux affluents, tous ces cours d’eau peuvent être exploités à l’état naturel. Cette facilité leur est offerte grâce à l’exceptionnelle régularité du débit du Fleuve Congo, son bassin versant étant situé à cheval sur l’Equateur. Le réseau navigable comprend plusieurs tronçons totalisant 15000 Km.

En terme de d’approvisionnement des centres de consommation en denrées alimentaires, le Fleuve Congo et ses affluents permet d’évacuer plus de 60 % des produits agricoles des lieux de production vers les centres de consommations.

Cependant, ce mode de transport par eau (fleuve et affluents) est victime des facteurs de dysfonctionnement dus aux multiples tracasseries que nous essayerons de démontrer et dont l’ampleur est impressionnante.

I. RAPPEL THEORIQUE DES FACTEURS CONTRIBUANT A LA SECURITE / INSECURITE ALIMENTAIRE EN RDC

Il existe quatre types de facteurs déterminant la sécurité et ou l’insécurité alimentaire en RDC.Ce sont : les facteurs déterminant la disponibilité des produits vivriers ;les facteurs déterminant la stabilité des approvisionnements ;les facteurs limitant l’accès aux vivres et les facteurs liés au caractère durable de la production agricole et vivrière . Pour éviter le risque d’alourdir notre texte par des développements qui peuvent paraître superflu, nous nous limitons à les lister avec une explication brève et concise.

A. Facteurs déterminant la disponibilité des produits vivriers Les facteurs identifiés sont : la quasi inexistence du crédit agricole, le dysfonctionnement du système de commercialisation et des prix agricoles, les lacunes du régime foncier et manque de réforme agraire appropriée, désarticulation des infrastructures rurales, manque de la mécanisation agricole, insuffisance de moyens pour la recherche agronomique et la vulgarisation agricole

B. Facteurs déterminant la stabilité des approvisionnements Insuffisance de la capacité de stockage sur l’exploitation au niveau local et national, incohérence des structures et du mode d’organisation des marchés, insuffisance des disponibilités des ressources en devises pour l’importation des produits alimentaires de base.

C. Facteurs limitant l’accès aux vivres Baisse de la productivité agricole et effritement du pouvoir d’achat sur le marché

D. Facteurs liés au caractère durable de la production agricole et vivrière Usage des techniques et pratiques contraires aux principes de préservation des ressources et de conservation de l’environnement.

II. TRACASSERIES DANS LE TRANSPORT FLUVIAL COMME FACTEUR CONTRIBUANT A L’INSECURITE ALIMENTAIRE EN RDCONGO.

Dans les quatre types de facteurs qui contribuent à l’insécurité alimentaire en RDC, les tracasseries sont en vedette.Cette affirmation est soutenue par les éléments d’analyse qui sont développés infra.

En référence aux variables commercialisation et prix agricoles, il est amèrement constaté que la politique de commercialisation et celle des prix qui souffrent, du reste, d’insuffisance et d’inéquation des mesures d’accompagnement et des stratégies, ne favorisent pas l’essor de la production vivrière. En effet, la conjugaison d’un système incohérent de taxation (fiscalité et parafiscalité) et de multiples tracasseries administratives et policières pour ne parler que de cette forme des tracasseries, ont enrichi les coûts de production et affecté les marges de commercialisation.

Les résultats d’études menées dans les provinces de Bandundu et de l’Equateur par Innovative Ressources Management , ONG de Droit Américain oeuvrant en RDC, démontrent que les taxes payés par les opérateurs économiques le long du Fleuve Congo et ses affluents représentent environs 31% de leurs charges exploitation rendant la marge bénéficiaire d’activités à environ 3%. La chose la plus grave est que sur l’ensemble des taxes payées 7% seulement sont légales c’est-à-dire perçues par les Services Publiques habiletés à fonctionner aux ports au regard du décret-loi 036 du 28 mars 2002 et 93% des taxes sont illégales. Pour être plus explicite, ce décret autorise seulement à quatre services publics d’exercer et de percevoir des taxes sur le Fleuve Congo et ses affluents alors qu’en réalité, il y a au total 24 services qui opèrent chacun percevant des taxes à sa guise. Ainsi, dans l’hypothèse que la détermination des prix est fonction des coûts d’exploitation, ce qui est indubitablement plausible, il se dégage que les prix des produits agricoles et vivriers sont considérablement influencés par les coûts dus aux tracasseries. Le niveau élevé des prix qui en découle rend le marché des produits agricoles et vivriers inaccessibles pour une partie importante de la population dont le maigre revenu ne permet pas de disposer d’un pouvoir d’achat. Il est également important de relever que les tracasseries ne sont pas seulement ressenties en terme des taxes illégalement payées mais aussi en terme du temps perdu par les opérateurs économiques dans différents ports où les formalités administratives sont caractérisées par une énorme lourdeur de nature banale et amerdante .A cet effet,les études menées par IRM démontrent que pour une rotation Kiri-Kinhasa-Kiri soit 1.260 Km en boucle complète, une unité flottante réalise au minimum 90 jours suite aux formalités.En effet, l’équipage se voit être obligé de parcourir à longueur des journées des bureaux des services publics dont les responsables n’hésitent pas pour des raisons parfois liées à leurs propres intérêts ,d’interdire aux engins ayant pourtant des cargaisons ,la poursuite de leur voyage en destination des centres de consommation. Le retard ainsi accumulé a un triple effet cumulatif : les fluctuations incontrôlées des stocks qui affectent les principes de la disponibilité et de la stabilité des approvisionnements en aval c’est-à-dire dans les centres de consumations mais aussi en amont ou dans les lieux de production ou les stock en attente d’une prochaine rotation se déprécient.

CONCLUSION Lorsque nous analysons à fond le problème de l’insécurité alimentaire au Congo, nous découvrons des variables explicatives nous permettant d’être dans la proximité de la réalité du problème. L’insécurité /sécurité alimentaire en RDC est souvent analysé dans une vision macroscopique heurtée par la théorisation scientifique.La vision microscopique du phénomène qui est une démarche de IRM permet de dénicher des phénomènes frappants qui méritent d’être listé parmi les variables prioritaires du phénomène de l’insécurité alimentaire.Cette réflexion fondée sur les recherches réalisées par IRM permet d’enrichir l’approche du problème. Nous sommes sans ignorer que le problème du développement économique et social est prioritairement un problème de la satisfaction des besoins alimentaires et nutritionnels.Lorsque cet objectif n’est pas placé au premier plan du programme de développement,toutes les stratégies de développement ,de bonne gouvernance,de démocratisation,de résolution des conflits sont vide de sens.Une population ne disposant pas des capacités physiques et intellectuelles quérables à partir d’apports nutritionnels adéquats,ne peut participer au processus de son propre développement. Nous sommes également sans ignorer que les voies d’eau qui ont la possibilité d’acheminer dans les centres de consommations d’énormes quantités des produits vivriers, font du transport fluvial et lacustre l’épine dorsale de l’économie congolaise et que l’ampleur des tracasseries subies sur les axes d’évacuation par voies d’eau constituent de véritables freins à la relance des activités et à la satisfaction des besoins alimentaires. Oui, les tracasseries sont là ; elles causent et créent considérablement l’insécurité alimentaire. La suppression des tracasseries permettent,elles seules,d’améliorer la marge commerciale des exploitants fluviaux de 3% à environs 28%,toutes choses restant égales par ailleurs ; d’influencer la stabilité et la disponibilité des approvisionnements ;d’influencer la réduction et de stabiliser les prix des produits de manière à accroître l’accessibilité aux denrées. Arrêtons avec les discours sans actions concrètes, des décrets sans suivi d’exécution, des considérations du problème sans vision microcosmique ; bref de marcher sur le vrai à la recherche du faux.

   


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